Cryptomonnaie: Pourquoi l’Algérie a Interdit l’Usage du Bitcoin ?
0Après un changement dans le flux d’Internet d’Algérie Telecom et la hausse des prix, le gouvernement algérien a décidé d’interdire les cryptomonnaies. Selon le projet de la loi des finances pour 2018, les monnaies virtuelles telles que le Bitcoin sont interdites de transaction et même de possession.
«L’achat, la vente, l’utilisation et la détention de la monnaie virtuelle sont interdits. »
Mais pourquoi les autorités rejettent catégoriquement ce procédé de paiement ? Pour répondre à cette question, il y a deux aspects fondamentaux qu’il faut comprendre. Le premier est lié à l’explication légale introduite dans la Loi de finances de l’année 2018. L’article 117 précise que la monnaie virtuelle est celle utilisée par les internautes, à travers le web et qu’elle est caractérisée par l’absence de support physique, tel que les pièces, les billets, les paiements par chèque ou carte bancaire. Le même article prévient que toute personne qui commet une infraction à cette disposition est punie, conformément aux lois et règlements en vigueur.
Par opposition à la monnaie électronique, la monnaie virtuelle est une valeur individualisée en unité de compte, sans statut légal et non régulée par une Banque Centrale et non relayée par des établissements financiers. Cependant, si la cryptomonnaie garantit le secret des données, à travers une technologie désignée par le terme Blockchain, il n’en reste pas moins que le risque de blanchiment d’argent existe puisqu’aucune traçabilité n’est possible dans la transaction.
Selon Nassim Belouar, master en conseil et expertise à l’université de Lille, «il y a quelque 300 000 transactions quotidiennes effectuées par 60 000 utilisateurs en Algérie. Partant de ce constant dont il n’a pas apporté de preuves concrètes, il a plaidé l’autorisation de l’usage de la cryptomonnaie en Algérie afin de contribuer à la construction d’une économie numérique. Un avis qui n’est pas partagé par d’autres spécialistes et acteurs sur le terrain. Lors de la même matinale, Nassima Babaci, directrice des partenariats à Macirvie a indiqué que la «cryptomonnaie n’est pas faite pour concurrencer la monnaie légale» et qu’elle «n’est pas non plus faite pour être une monnaie légale», tout en soulignant, en revanche, que les vendeurs de la cryptomonnaie peuvent travailler avec les gouvernements pour assurer la transparence des transactions.
En deuxième lieu, il faut relever que l’envolée de la valeur du Bitcoin, qui a atteint plus de 21 000 dollars, a causé sa perte puisque désormais, les détenteurs des bitcoins les thésaurisent au lieu de les échanger au-delà de l’impact de son interdiction par plusieurs pays. C’est aussi ce qui explique que l’Algérie et d’autres pays comme le Venezuela refusent l’introduction des cryptomonnaies, de peur de voir les citoyens les acheter comme valeur refuge et pénaliser davantage le système financier, déjà fragilisé par la crise du pétrole et le manque flagrant d’agilité des établissements financiers nationaux, favorisant le marché informel. Si d’autres pays comme la Chine ont choisi d’encadrer l’activité création de cryptomonnaie pour en tirer des bénéfices fiscaux, ce n’est pas encore le cas de l’Algérie qui a, aujourd’hui, d’autres priorités dont l’absorption de la masse monétaire circulant dans le marché parallèle, afin de lutter contre le blanchiment d’argent.
A l’origine de la création de la cryptomonnaie
A l’origine, la création de monnaie par les banques centrales devait être proportionnelle aux réserves en or dont disposaient les pays. Mais le système financier mondial actuel est en crise et il n’est plus basé sur ce principe. Plusieurs pays sont passés à la planche à billets, c’est-à-dire éditer plus de monnaie que ses richesses en métaux précieux. Il faut savoir que la création de la cryptomonnaie est intervenue juste après la crise financière de 2008, dite crise des subprimes qui a impacté les économies du monde entier et créé une véritable perte de confiance face au système financier classique.
La première cryptomonnaie c’est le Bitcoin, créé par un groupe de programmateurs informatiques anonymes qui se font appeler Satoshi Nakamoto. En termes simples, la cryptomonnaie a pour objectif indirect de supprimer la banque centrale, les banques commerciales ainsi que l’ensemble des services à valeur rentable qui vont avec. Le procédé adopté par les initiateurs du bitcoin est simple. Il est basé sur le principe de l’équivalent en or.
C’est ainsi qu’ils ont fixé un plafond à la masse monétaire créée. Selon les estimations de Satoshi Nakamoto, les réserves mondiales d’or seront insuffisantes pour en créer davantage à partir de l’année 2140. C’est pour cela qu’on les appelle des mineurs, puisqu’ils créent autant de monnaie que d’or disponible dans les mines.
C’est également ce qui explique l’engouement pour le Bitcoin, qui avait atteint en novembre 2017, l’équivalent de 21 000 dollars, tout simplement parce qu’il est devenu une valeur refuge avant de redescendre en février dernier à moins de 6,352 dollars (09 Novembre 2018).
Dans l’exposé des motifs, et encore, il est indiqué que, grâce à cette mesure, «l’Algérie espère instaurer un contrôle plus strict sur ce type de transactions numériques, qui peuvent être utilisées pour le trafic de drogue, l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent grâce à l’anonymat garanti de ses utilisateurs.
Le document rappelle que n’étant pas sous la coupe d’une autorité reconnue, la monnaie virtuelle échappe à toute régulation et contrôle de l’Etat. Pour le gouvernement, ces monnaies qui ont « longtemps été l’apanage des transactions illégales (blanchiment d’argent et transfert illégal d’argent, trafic de drogue, financement du terrorisme, etc) » tendent à se « défaire de leur mauvaise réputation en se démocratisant et en attirant un public plus large ». « Les cryptomonnaies sont aujourd’hui de plus en plus utilisées pour des transactions légales et même notre pays n’échappe pas à ce phénomène qui peut nuire à notre sécurité et notre économie », explique-t-on.