Projet de loi sur le commerce électronique : Les sanctions financières privilégiées
Les amendes prévues s’échelonnent de 50.000 DA à 2 millions de DA, plus la radiation du registre du commerce et la fermeture du site.
Le Conseil de la nation a poursuivi, hier, ses travaux en séance plénière consacrée à la présentation et débat du projet de loi sur le commerce électronique. La séance, présidée par M. Abdelkader Bensalah, s’est déroulée en présence du ministre de la Poste, des Télécommunications, des Technologies et du Numérique, Mme Houda-Imane Faraoun, et du ministre des Relations avec le Parlement, M. Mahdjoub Bedda.
Lors de la présentation du projet de texte, la ministre de la Poste, des Télécommunications, des Technologies et du Numérique a souligné que les sanctions arrêtées dans le cadre du projet de loi sur le commerce électronique (e-commerce) sont globalement d’ordre financier. «L’application des sanctions financières contre les contrevenants aux dispositions de cette loi a été préférée aux sanctions privatives de liberté», a expliqué la ministre notant, dans ce contexte, que les modalités de contrôle et de constatation des contraventions, prévues dans ce projet de loi, ont été adaptées aux dispositions des législations et règlements en vigueur, notamment celles relatives aux activités commerciales traditionnelles et à la protection du consommateur et la répression de la fraude.
De même que les sanctions ont été adaptées à celles applicables en matière commerciale. Mme Houda-Imane Faraoun a relevé, en outre, qu’il a été retenu le principe du règlement des litiges par voie d’amende transactionnelle sans préjudice des droits des victimes à réclamer réparation. Aussi, et en consécration du principe de rigueur dans l’application de la loi et dans le service de l’intérêt général, elle mettra en exergue l’interdiction de l’application de ce type d’amende pour les contraventions liées à la vente des produits interdits au commerce électronique comme le tabac, les médicaments et les produits dont la commercialisation constitue en soi un crime comme les stupéfiants.
Le règlement transactionnel ne peut être envisagé en cas d’atteinte aux intérêts de la Défense nationale, à l’ordre public et à la sécurité publique. Le projet de texte également fait ressortir également qu’en fonction de la nature des infractions, des amendes sont prévues allant de 50.000 DA à 2 millions de DA, auxquelles s’ajoutent la radiation du registre du commerce, la fermeture du site web, et ce, sans préjudice de l’application de pleines plus sévères prévues par la législation en vigueur.
Il faut dire que le projet de loi relatif au commerce électronique prévoit plusieurs dispositions permettant d’assurer la sécurité du e-commerce tout en définissant les obligations des e-fournisseurs et e-clients.
D’entrée, le texte stipule que l’inscription au registre du commerce et la mise en ligne d’un site web hébergé en Algérie sont deux conditions sine qua non pour l’exercice du commerce électronique. Un fichier national des e-fournisseurs inscrits au registre de commerce est institué auprès du Centre national du registre de commerce (CNRC), indique-t-on dans le texte qui définit les informations devant accompagner l’offre commerciale électronique (identification fiscale, adresse, numéro de téléphone, numéro du registre du commerce, la garantie commerciale…).
Aussi, la commande d’un produit ou d’un service passe par trois étapes obligatoires : la mise à disposition du e-consommateur des conditions contractuelles, la vérification des détails de la commande par ce dernier et la confirmation de la commande qui conduit à la formation du contrat.
Le projet de loi définit également les informations obligatoires que doit contenir le contrat électronique. Quant aux obligations du e-consommateur, il stipule qu’il est tenu de payer le prix convenu dans le contrat électronique dès la formation de ce document. S’agissant des transactions commerciales transfrontalières, le projet de loi indique que la vente par voie électronique d’un bien ou d’un service par un fournisseur résident à un e-consommateur établi dans un pays étranger, est dispensée des formalités de contrôle du commerce extérieur et des changes lorsque sa valeur n’excède pas l’équivalent en dinars de la limite fixée par la législation en vigueur.
Cependant, le produit de cette vente doit, après son paiement, être porté sur le compte de l’e-fournisseur domicilié en Algérie auprès d’une banque agréée par la Banque d’Algérie, ou auprès d’Algérie Poste. Lorsque l’achat électronique se fait à partir de l’Algérie par un e-consommateur auprès d’un e-fournisseur établi dans un autre pays et destiné exclusivement à un usage personnel, il est aussi dispensé des formalités du commerce extérieur et des changes lorsque sa valeur n’excède pas l’équivalent en dinars de la limite fixée par la législation en vigueur.
Aussi, la couverture de paiement électronique pour cet achat est assurée à partir du compte devise «personne physique» du e-consommateur domicilié en Algérie. Note importante à retenir, ce texte offre des possibilités d’ouverture pour procéder à «un achat électronique» de l’étranger et «non pas d’importation», précise la ministre faisant remarquer que «ce projet de loi n’encadre pas l’opération d’importation».
Paiement des transactions électroniques
Le texte stipule que le paiement des transactions commerciales électroniques s’effectue, à distance ou à la livraison du produit, «par les moyens de paiement autorisés par la législation en vigueur». Le texte précise aussi que lorsque le paiement est électronique, il est effectué à travers des plateformes de paiement dédiées, mises en place et exploitées exclusivement par les banques agréées par la Banque d’Algérie ou bien Algérie Poste, et connecté à tout type de terminal de paiement électronique via le réseau de l’opérateur public de télécommunications.
La connexion du site web du e-fournisseur à une plateforme de paiement électronique doit être sécurisée par un système de certification électronique. Dans le chapitre consacré au contrôle du e-fournisseur et à la constatation d’infractions, le texte indique qu’outre les officiers et agents de la police judiciaire prévus par le code des procédures pénales, sont habilités à constater les infractions aux dispositions de ce projet de loi les personnels appartenant au corps spécifique du contrôle relevant des administrations chargées du commerce. En fonction de la nature des infractions, des amendes sont prévues allant de 50.000 DA à 2 millions de DA, auxquelles s’ajoutent la radiation du registre du commerce, la fermeture du site web, et ce, sans préjudice de l’application de pleines plus sévères prévues par la législation en vigueur.
Ce projet de loi indique que les personnes physiques et morales exerçant déjà le commerce électronique disposent d’un délai de six mois, à partir de la date de la publication de ce texte, pour se conformer aux nouvelles dispositions.
Des sénateurs appellent à protéger les données personnelles lors des transactions commerciales électroniques
Lors des interventions, des membres du Conseil de la nation ont mis en avant l’importance, voire l’impératif de protéger les données personnelles contre tout détournement lors des transactions commerciales électroniques.
D’autres interventions ont évoqué notamment le fait que l’exploitation du commerce électronique permettra d’absorber les liquidités circulant sur le marché parallèle. En somme et de manière générale, nombreuses étaient les observations des sénateurs qui ont, tous, salué l’avènement de ce projet de loi, même si certains ont souhaité voir ce texte plus tôt, rappelant que la première transaction de ce genre dans le monde a eu lieu en 1994. Aussi et alors que certains intervenants ont estimé qu’ouvrir la voie au commerce électronique est nécessairement tributaire d’un meilleur débit internet, d’autres ont souhaité voir davantage de Terminaux de paiement électronique (TPE) mis en place.
Pour répondre au besoin d’acquisition des TPE : «Une entreprise algérienne retenue», annonce la ministre
A propos de cette dernière question, la ministre et tout en rappelant que le 31 décembre 2018 est le dernier délai accordé aux commerçants pour l’utilisation des TPE, a signalé également que, pour ce faire, Algérie Poste avait lancé un avis d’appel d’offres international pour l’acquisition, dans une première étape, de 50.000 TPE. Cela dit, durant cette période, Algérie Poste avait engagé des discussions avec l’ENIE, laquelle entreprise a formulé la proposition de prendre en charge cette demande d’acquisition de TPE et d’assurer la production made in Algeria, ce qui a été accepté.
D’autre part et pour ce qui est de la protection des données personnelles, il s’agit là d’une préoccupation qui est prise en charge par un texte de loi.
Commentant l’observation faite par un sénateur sur le fait qu’on est un peu «en retard» du fait que la première transaction de ce genre dans le monde a eu lieu en 1994, la ministre a rappelé que notre pays a vécu ces années là, la décennie marquée par le terrorisme et que si aujourd’hui la paix et la stabilité sont retrouvées c’est grâce au Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika.
Par ailleurs et à propos de la nécessité selon certains intervenants d’optimiser le débit internet pour pouvoir ouvrir la voie au commerce électronique, la ministre a soutenu, à ce propos, que le commerce électronique existe déjà dans notre pays et que les internautes ne trouvent aucune difficulté pour procéder aux transactions via la toile.
Cela dit, ce projet de texte vient encadrer ce type de commerce. Le texte de loi vise, il faut le dire, à définir les règles générales inhérentes au commerce électronique des marchandises et services, à travers l’instauration d’un climat de confiance, de nature à généraliser et à développer les échanges électroniques (commerce numérique) et partant faciliter les services à distance.
Soraya Guemmouri
12 avril 2018 | AvocatAlgérien
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