La question de la detention provisoire revient

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Le décès de l’ancien ministre des TIC Moussa Benhamadi remet sur la table la lancinante question de la détention provisoire et de l’humanisation du système judiciaire algérien.

Atteint de Covid-19, le 4 juillet dernier, Moussa Benhamadi, 67 ans, est mort, vendredi soir, dans l’aile carcérale du centre hospitalo-universitaire Mustapha-Pacha d’Alger, annoncent ses proches. L’ancien ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication (TIC) a été intubé plusieurs jours avant de rendre l’âme.

En prison depuis plus d’une année dans une affaire de corruption qui implique le groupe familial Condor, dont il était un des actionnaires, Moussa Benhamadi n’était pas encore jugé. Ironie du sort, c’est ce mardi que la chambre d’accusation de la Cour d’Alger devait se prononcer sur la demande de liberté provisoire que ses avocats ont introduite.

Le décès de Moussa Benhamadi a vite réveillé les vieux démons de la justice algérienne. Comme lui, beaucoup de détenus, des personnalités connues jusqu’aux simples justiciables, sont en détention provisoire, dans l’attente d’un jugement. C’est le cas de l’ancien ministre de la Solidarité et de la Famille et ancien secrétaire général du FLN. 

Âgé de 87 ans, Djamel Ould Abbes est en prison depuis une année. “Il est inquiet”, indique son avocat, Me Farouk Ksentini. “Il y a moins d’une semaine, il était en contact avec le ministre qui vient de décéder”, raconte l’avocat qui précise que les deux hommes ont été conduits chez le même juge auprès de la Cour suprême et “ils sont revenus dans la même voiture”. Depuis, l’homme se “porte bien” puisqu’il a été “testé négatif”.

L’ancien candidat à l’élection présidentielle avortée d’avril 2019, Ali Ghediri, emprisonné depuis 13 mois, a été lui aussi testé positif au Covid-19. Il se porte “bien”, indique Nabila Selimi, son avocate, qui lui a rendu visite jeudi. Mais elle rappelle qu’elle avait déjà introduit, au mois de mai, une demande de liberté provisoire en mettant en avant l’argument sanitaire — il souffre d’une toux allergique. En vain. La demande est systématiquement rejetée comme dans la majorité des cas.

Au-delà de la Covid-19, certains détenus décèdent durant leur détention provisoire. C’est le cas de l’architecte-urbaniste Nouredine Hemma, qui a passé près de “4 ans en détention provisoire”, raconte l’avocat Abderrahmane Salah. Malgré un cancer de la gorge, les juges ont refusé de libérer l’homme de 70 ans. Il est mort dans la prison de Batna avant même que son procès ne soit programmé. Selon des avocats, des cas comme celui-ci se comptent par dizaines. 

Ce qui suscite la question sur les raisons qui poussent les juges à procéder ainsi en faisant d’une exception la règle. Ce sentiment prend tout son sens en ces temps de propagation de la Covid-19. Si la justice ne peut pas libérer des détenus déjà condamnés à des peines d’emprisonnement, le maintien des citoyens en détention provisoire risque d’aggraver la situation sanitaire dans les prisons.

Preuve en est que, selon Abderrahmane Salah, rien qu’à la prison d’El-Harrach, il y aurait beaucoup de personnes en détention provisoire. Pour tenter de trouver une solution, le président de la Cour d’Alger et le procureur général près la même Cour se sont réunis, jeudi dernier, avec le représentant du barreau d’Alger pour trouver des solutions à la crise actuelle.

Selon un communiqué de l’Ordre des avocats, il a été décidé notamment de reporter les affaires prévues jusqu’à septembre et de créer un système d’alternance lors des audiences, afin d’éviter l’engorgement des tribunaux. Mais rien sur la détention provisoire. 

Ali Boukhlef

19 juillet 2020 |

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