Les avocats d’un ressortissant suisse dénoncent une détention «illégale»
0Depuis 8 mois à El Harrach en attente de son extradition vers les USA.
Venu pour la première fois en Algérie, un ressortissant suisse a été arrêté à l’aéroport d’Oran, au moment où il devait prendre son vol de retour vers Genève. Faisant l’objet d’un mandat d’arrêt américain, la Cour suprême a statué pour son extradition, mais huit mois après, il est toujours détenu à El Harrach. Il décide d’entamer une grève de la faim, alors que ses avocats dénoncent une détention «arbitraire».
Alain (nous l’appellerons ainsi) ne savait certainement pas qu’en venant en Algérie il allait vivre un véritable cauchemar dans sa cellule à la prison d’El Harrach. L’histoire de ce Suisse est tragique. Elle révèle un déni de droit caractérisé, qui donne une piètre image de la justice algérienne. Jugeons-en.
Directeur financier d’une entreprise (financière) à Genève, Alain est sollicité pour accompagner en tant que conseiller une société suisse qui voulait s’installer en Algérie.
Le 21 novembre 2017, il débarque à Oran, où il prend part à une série de rencontres et visites avec la délégation. En fin de journée, alors qu’il devait s’envoler vers Genève, les policiers lui demandent de les accompagner et après vérification des papiers, il est menotté et arrêté en vertu d’un mandat d’arrêt international lancé contre lui par les Etats-Unis pour «fraude financière».
Quelques jours après son transfert à la prison d’El Harrach, à Alger, et en attendant que la Cour suprême statue sur son extradition, ses deux avocats, Mes Miloud Brahimi et Abdelmadjid Sellini, déposent une demande de mise en liberté, rejetée à deux reprises, le 19 décembre 2017 et le 17 janvier 2018.
Le 21 février, la Cour suprême rend son arrêt en faveur de l’extradition. Tout portait à croire qu’Alain allait être livré aux Américains. Mais cela n’a pas été le cas. Alain est à ce jour maintenu en détention.
Ce qui constitue une violation de la procédure. En effet, l’article 711 du code de procédure pénale est très clair sur la question des délais d’extradition. Il stipule que dans le cas d’une extradition, «le ministre de la Justice propose, s’il y a lieu, un décret autorisant l’extradition.
Si dans un délai d’un mois, à compter de la notification de ce décret au gouvernement de l’Etat requérant, l’extradé n’a pas été reçu par les représentants de cet Etat, il est mis en liberté et ne peut plus être réclamé pour la même cause».
Or, depuis le 21 février de l’année en cours, ni Alain ni ses avocats n’ont pu avoir d’explications sur cette détention qu’ils jugent «arbitraire». «Depuis l’arrêt de la Cour suprême, Alain est dans l’ignorance totale de son dossier.
Il ignore même si le décret exécutif d’extradition, consécutif à l’arrêt de la Cour suprême autorisant son extradition, a été signé», déclarent ses avocats, qui ajoutent : «Même si l’on considère que ce décret a été signé, le mis en cause ignore aussi s’il a été notifié au gouvernement américain et quand, vu que la loi lui donne le droit d’être remis en liberté définitive, s’il n’est pas extradé dans le mois qui suit la date de notification.
Il est détenu depuis dix mois dans une prison algérienne sans savoir pour combien de temps encore, alors même qu’il n’a jamais attenté à l’ordre public algérien. Il débarque pour la première fois sur le sol algérien et il se retrouve dans une prison.»
Ne sachant plus quoi faire pour mettre un terme à ce «calvaire», Alain a décidé d’entamer une grève de la faim, mais ses avocats l’en ont dissuadé. «Nous avons transmis des lettres à toutes les autorités concernées, à commencer par le Premier ministre, puis le ministre de la Justice, et même le Conseil des droits de l’homme, mais aucune réponse ne nous a été envoyée.
Nous ne comprenons rien. Il y a là une flagrante violation de la procédure. Nous sommes face à une détention arbitraire. Hier, le mis en cause a pris la décision de faire une grève de la faim dès la fin de la semaine en cours.
Son état de santé ne lui permettra pas de survivre à une telle épreuve. S’il lui arrive quelque chose en prison, il est certain que cela fera tache d’huile», estiment Mes Miloud Brahimi et
Abdelmadjid Sellini.
Source: El Watan