Colère chez les robes noires: “l’Algérie a besoin d’une véritable Justice”
0Les avocats du barreau d’Alger ont rugi, ce mardi, devant le tribunal de Sidi M’hamed. Ils expriment, à l’occasion d’un rassemblement tenu devant cette juridiction, leur colère face à ce qu’ils qualifient « d’atteintes répétées aux droits de la défense ». La goutte qui a fait déborder le vase, cette fois-ci, est un évènement pour le moins étrange.
Il s’agit d’un incident qui remonte à mercredi 30 juin, quand la voiture d’un avocat, stationnée au niveau du parking du tribunal de Dar El Beida, a été emmenée à la fourrière sur ordre du procureur de la République adjoint. L’incident a été considéré comme “une énième atteinte aux droits de la défense”, poussant le barreau d’Alger à annoncer une grève d’une semaine au niveau de ce tribunal, suivi d’une série d’actions, dont le sit-in d’aujourd’hui.
Les robes noires ont répondu favorablement à l’appel et se sont rassemblés, en nombre, devant le tribunal Sidi M’hamed. L’action a commencé vers 11h00. Vêtus de leurs toges, les avocats, brandissant des pancartes sur lesquelles sont inscrits des slogans appelant à une justice indépendante, dénoncent aussi cette « décision arbitraire ».
« C’est la goutte qui a fait déborder le vase. Les droits de la défense sont de plus en plus piétinés et les dépassements deviennent innombrables », lance Me Abdelhafid Tamert, avocat du barreau d’Alger.
“C’est le ras-le-bol. Il y en a marre et vous pouvez le constater à travers les slogans que nous brandissons aujourd’hui. On a refusé d’écouter les gens sages qui représentent la corporation et maintenant, ça déborde, mais apparemment, c’est ce qu’on cherche. Nous sommes là pour défendre nos droits d’abord parce que nous sommes les véritables défenseurs des libertés”, affirme pour sa part Me Sassi Adnane, membre du conseil de l’Ordre des avocats.
“Procureur Parkingeur”
Cernées par un important dispositif policier, les robes noires ont fait entendre leur colère contre “les dépassements” qui les visent. “Où sommes-nous de l’Etat de droit ?”, “l’avocat ne se fait pas humilier”, “stop à la Justice d’instructions”, scandent-ils.
Présent au milieu des protestataires, le bâtonnier d’Alger, Me Abdelmadjid Sellini, a prononcé une allocution à travers laquelle il a appelé à une “véritable Justice en Algérie”.
“Le pays a besoin d’une véritable Justice, pas d’une Justice soumise à des instructions. De quel droit le procureur a ordonné le placement de la voiture de l’avocat en fourrière. Sur la base de quel texte de loi a-t-il ordonné cela ?”, interroge-t-il.
Et d’ajouter : “À quel niveau sommes-nous tombés ? Au niveau de Procureur parkingeur. Les amendements attendus dans le code de procédure pénale devraient ajouter ce poste”, ironise-t-il.
Pour rappel, la voiture d’un avocat venu plaider au tribunal de Dar el Beida a été emmenée, mercredi 30 juin dernier, à la fourrière sur ordre du procureur de la République adjoint près ladite instance judiciaire.
Cette instruction a été largement dénoncée par la communauté des robes noires qui l’ont considérée comme une “énième atteinte à leurs droits”. Le barreau d’Alger a réagi samedi 3 juillet à travers un communiqué et a indiqué que “cet événement reflète la supériorité et la domination de certains responsables de la Justice”.
Le barreau d’Alger a annoncé le boycott des audiences au niveau du tribunal de Dar El-Beida pendant une semaine à partir du 4 juillet et le boycott des audiences ce mardi au niveau de la Cour d’Alger et les tribunaux qui y relèvent.
Par Yasmine Marouf-Araibi