Me Fethi Ghares: Je suis l’avocat de la liberté de conscience.

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Candidat à la présidentielle algérienne de 2019, Fethi Ghares rêve de dynamiser l’opposition et d’introduire de nouvelles thématiques dans le débat public.

Porte-parole du MDS, Fethi Ghares, 45 ans, ne se fait guère d’illusions sur ses chances. Il n’en est pas moins convaincu que sa candidature offre une occasion d’esquisser le renouveau de la vie politique. Il se voit bien dépoussiérer cette opposition coincée entre le Front des forces socialistes (FFS), le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et le Parti des travailleurs (PT), tous trois en perte de vitesse.

Son ambition ? Dynamiser et rénover la gauche ! Et, pourquoi pas, changer un vieux système qui a survécu à toutes les crises depuis 1962. S’il refuse de jeter l’anathème sur les opposants, il les juge dépassés. En homme policé, il le dit avec des propos convenus : « Les Algériens ne voient plus l’opposition comme une force capable de répondre aux aspirations populaires. L’ampleur de la désaffection lors des scrutins de ces deux dernières décennies en est la preuve. Les électeurs ne se reconnaissent pas non plus dans ce pouvoir sclérosé, vieillissant et autoritaire. »

Ghares renvoie tous les acteurs dos à dos : « Le système tout comme les opposants n’ont pas compris que l’Algérien a mûri, qu’il s’inspire des expériences démocratiques à travers le monde, qu’il aspire plus que jamais à une révolution pacifique dans le discours, dans les mentalités, dans les programmes et les hommes qui les portent. Moi, en 2019, je veux porter toutes ces aspirations. » Vaste chantier pour un candidat dont le parti, qui a connu de multiples soubresauts depuis sa fondation en 1966, n’est pas encore parvenu à s’imposer dans le paysage algérien. Alors même qu’il a accompagné toutes les batailles pour les libertés démocratiques et sociales.

La candidature de Ghares détonne. C’est la première fois que le MDS est en lice à une présidentielle. Ce natif d’Alger, fils d’un haut fonctionnaire et d’une professeure de français retraitée, se distingue par ses thématiques : « Je suis l’avocat de la liberté de conscience. La séparation du politique et du religieux doit être consacrée dans la Constitution. »

L’homme de gauche promet de briser des tabous : « L’islam, qui est une composante de notre identité et de notre culture, doit être éloigné de la politique, notamment parce que les islamistes ont utilisé la religion pour justifier toutes les violences commises au cours de la décennie noire. Musulman, athée, juif, chrétien, etc., toute personne, quelle que soit sa croyance, doit pouvoir exercer librement ses droits sans être réprimée ou ostracisée. »

Dans un pays où les fumeurs de cannabis risquent jusqu’à deux ans de prison, Ghares plaide pour la dépénalisation de sa consommation. Il promet le droit à l’avortement. « C’est sur le respect et la consécration des libertés que doit se fonder l’État de droit, insiste-t-il. Et c’est sur ces thèmes que je veux incarner le changement. Qu’est-ce que la politique si elle ne brise pas les tabous ? »

Changer de système, mais comment ? « Depuis l’indépendance, l’exercice du pouvoir s’est fondé sur la légitimité historique, observe le candidat. Celle-ci a servi à mettre les Algériens sous tutelle. Or les générations qui n’ont pas connu cette guerre, celles qui sont nées après Boumédiène, Chadli, Zéroual, qui n’ont connu que Bouteflika, veulent de nouveaux dirigeants. »

Pourtant, il fut un temps où Ghares rêvait de changer le monde par la grâce du Coran. Dans sa prime jeunesse, il fréquente assidûment les mosquées d’Alger où officient des prédicateurs tels Ali Belhadj ou Abassi Madani, les fondateurs du Front islamique du salut (FIS), qui prônent alors l’instauration d’un califat. « Comme beaucoup, j’étais sympathisant de ce courant qui entendait porter la voix de la justice, se justifie le candidat. Mon initiation à la politique a commencé dans la mosquée, seul lieu d’expression libre. Je suis revenu de mes illusions lorsque les islamistes ont basculé dans la violence. » Mais son engagement vient de plus loin : « La colère et le sentiment d’injustice que j’ai ressentis durant la révolte d’octobre 1988 ont été tout aussi déterminants dans mon parcours à gauche. »

Parce qu’il a vécu la fin du parti unique en 1989, le foisonnement démocratique qui l’a suivi, l’émergence du FIS, le terrorisme des années 1990 puis l’espoir et la désillusion de la présidence Bouteflika, Ghares estime être le plus à même de porter une voix nouvelle. La question qui l’horripile ? L’éventuelle candidature du chef de l’État. « Ce débat autour du cinquième mandat crée un climat de fatalisme. Ses courtisans prient pour le voir se maintenir afin de préserver leurs intérêts, et la classe politique se contente d’être spectatrice. »

« Cinquième mandat ou non, je n’attends pas du pouvoir qu’il définisse mes objectifs, sourit Ghares. Les avocats du cinquième mandat délivrent ce message aux Algériens : “Ne faites plus de politique, on s’en charge pour vous.” Il faut combattre ce fatalisme. » C’est moins la candidature de Bouteflika que la défiance de ses compatriotes que le porte-parole du MDS redoute.

« Les adeptes du boycott, ceux qui disent “Mansotich” [“Je ne vote pas”, allusion à une vidéo qui a fait un carton en prônant l’abstention] favorisent l’inaction et le désenchantement. C’est par la confrontation d’idées et l’engagement sur le terrain qu’on arrivera à se débarrasser de ce système. » La fraude ? « Elle fait partie de l’ADN du régime, reconnaît-il. Mais la mère des batailles reste l’urne. »

Fethi Ghares ira-t-il jusqu’au bout ? Car il lui faut 60 000 signatures de citoyens ou le parrainage de 600 élus pour que sa candidature soit validée. C’est loin d’être une formalité. « J’irai zenga zenga [“de rue en rue”], nous oppose-t-il. Cette collecte est une vraie occasion de rencontrer les citoyens, d’expliquer et de défendre mes idées. “Faire de la politique avec les Algériens”, ça ferait un bon slogan pour ma campagne ! »

Source: Jeune Afrique

30 mai 2018 |

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